Alfred BOULLAND

(1814-1887)
Opticien. Daguerréotypiste itinérant. Photographe.

Alfred Désiré Boulland est né le 7 novembre 1814 à Orléans (Loiret). D’abord cuisinier, son père sera ensuite aubergiste place du Martroi. En 1836, âgé de 22 ans, Alfred Boulland est opticien à Paris quand il épouse Julie Emilie Boulland (une cousine ?). Trois ans plus tard, en août 1839, Daguerre fait plusieurs démonstrations du daguerréotype à Paris. Cette invention intéresse, entre autres, les opticiens dont Eugène Vaillat, installé au Palais-Royal, qui fait des portraits au daguerréotype dès les premières années 1840. Alfred Boulland sera son "élève". Dès qu’il se sent assez sûr de sa technique, il quitte la capitale et devient daguerréotypiste itinérant. Grâce aux recherches effectuées par Michel Lefrançois (1) et Roland Patin (2), nous pouvons retracer, du moins en partie, ses déplacements en France.

LYON : Le 7 juillet 1843, Alfred Boulland, photographe itinérant, se fait délivrer un passeport pour l’intérieur par la préfecture du Rhône.

CHAMBERY : Le 20 juillet 1843, "Le Courrier des Alpes" informe ses lecteurs de l’arrivée à Chambéry (Savoie) de M. Boulland "élève de Vaillat de Paris". Cet artiste propose "pour la modique somme de 20 francs" des portraits au daguerréotype que la presse locale compare "à ces petits meubles de famille que chacun veut avoir". Les Chambériens peuvent admirer "un groupe de jeunes gens daguerréotypés, sur un même tableau, dans des positions aussi variées que difficiles". Boulland prolonge son séjour à Chambéry jusqu’au 20 août environ. (3)

VALENCE : A l’automne 1843, il est à Valence (Drôme). Dans son édition du 10 octobre 1843, "Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche" publie l’annonce suivante : "Portraits au Daguerréotype obtenus en dix secondes, par tout temps. Ressemblance parfaite garantie. M. Boulland, de Paris, Artiste au Daguerréotype, possesseur du nouveau procédé perfectionné de M. Vaillat, est arrivé à Valence pour quelques jours seulement ; il se charge de faire les portraits avec la plus grande perfection, il donne aussi la copie exacte des tableaux, portraits de famille, gravures, statuettes, etc. les vues de monuments, maison et paysage..." (4)

CHAMBERY : En novembre et décembre 1843, Boulland est de nouveau à Chambéry.

ALPES-MARITIMES : Après être passé à Grasse, Boulland « peintre daguerréotype domicilié à Lyon » se trouve à Nice le 13 mars 1844.

TOULON : Au printemps 1844, il opère à Toulon (Var) associé au Lyonnais Perraud puis seul. Un daguerréotype portant la signature Boulland & Perraud qui représente -sujet rare- deux femmes se recueillant sur la tombe d’un être cher a été acquis par un musée américain en 2007. Dans "Le Toulonnais" du 14 avril 1844, on lit ceci : "Rue Lafayette, 48, à Toulon. Portraits au Daguerréotype. Instantanés, à l’ombre, ineffaçable et ne souffrant aucune altération, tous les jours et par tous les temps possible, de 6 heures du matin à 6 heures du soir, par Doulland (sic) et Perraud de Paris. L’application des couleurs aux épreuves daguerriennes est venu porter le dernier perfectionnement à cette oeuvre si belle ; une seule séance de quelques secondes suffit pour avoir son portrait et un quart d’heure pour l’emporter tout achevé ; rapidité vraiment surprenante en considérant la beauté de l’image..." (5) Le 14 mai, Boulland qui travaille désormais seul rue de l’Ordonnance, prévient les Toulonnais qu’il quittera leur ville le 20 mai. (6)

AIX-EN-PROVENCE : Après Toulon, Boulland s’en va à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Dans « Le Mémorial d’Aix » daté du 13 juin 1844, il publie l‘avis suivant : « M. Boulland, artiste au Daguerréotype, prévient les habitants de cette ville qu’il y séjournera du 1er au 30 juin. Par un procédé nouveau et connu de lui seul, il prend la ressemblance en quelques secondes. » Trois jours plus tard,  il prévient les Aixois qu’il partira dès le 20 juin. (7)

SAVOIE : En juillet 1844, il est de retour à Chambéry où il opère le lundi, mardi et mercredi ; les autres jours, il est à Aix-les-Bains. Sa femme, "faiseuse de corsets" l’y rejoint et propose aux Savoyardes des corsets pour nourrices, dames enceintes ou à la taille contrefaite. (8)

 DIGNE : En octobre 1845, il séjourne quelques jours à Digne (Alpes-de-Haute-Provence) où son épouse "confectionne les corsets dans le dernier genre." (9)

TOULON : En 1847, il est de retour dans le Var et opère 55, rue Royale à Toulon.

NANTES : En novembre 1848, il est artiste au daguerréotype à Nantes quand, veuf de sa première épouse, il se marie avec Suzanne Welschbillig, une jeune tailleuse originaire de Lorraine. A Nantes, où il vivra plusieurs années, son métier d’opticien va prendre le pas sur celui de portraitiste. En 1851, il est opticien rue Voltaire et forme un apprenti. Associé à l’opticien nantais Théodore Moussier (1811-1882) il dépose un brevet pour des verres à double foyer achromatisés qui permettent de voir de loin et de près. "Vu leur supériorité", les besicles des deux "ingénieurs-opticiens" auront l’honneur de figurer en 1851 à l’exposition universelle de Londres sous le n°656. (10) Dans sa boutique, située 24, rue Crébillon, Théodore Moussier ne propose pas que des lunettes à double foyer, il vend aussi des portraits au daguerréotype. On imagine qu’ils sont l’oeuvre de son associé. On sait aussi que Boulland continuait à pratiquer le daguerréotype en itinérance.

LORIENT : En mai 1850, "L’Abeille de Lorient" informe ses lecteurs de son passage dans la ville pour quelques jours. "Nous ne saurions trop engager lespersonnes qui désireraient faire faire des portraits au daguerréotype à profiter du court séjour que doit faire à Lorient M. Boulland. Les nombreuses épreuves particulières que nous avons été à même d’examiner, ainsi que de jolis groupes d’enfants, offrent une pureté de ton et une netteté d’exécution qui ne laissent rien à désirer". (11)

ESPAGNE : Inscrit sur les listes électorales de Nantes, il en est radié en 1852 avec en observation la mention "Espagne". On ne sait rien de son séjour outre Pyrénées. Il revient à Nantes où il serait resté jusqu’en 1854. Il n’est plus recensé rue Voltaire en 1856.

OPTICIEN A PARIS : Dans la capitale, Boulland, comme vingt ans plus tôt, est opticien. Il retrouve son frère cadet, Félix Henri (1819-?) opticien en tabletterie qui fera faillite en 1855. Alfred exercera à Belleville 95, chaussée de Ménilmontant puis 49, rue Constantine où sa présence est attestée en juillet 1862. L’année suivante, quand sa seconde épouse décède à l’hôpital, le couple habite rue Henri-Chevreau (20e). Comme souvent au XIXe siècle, son veuvage ne durera guère. Sa nouvelle compagne, Sidonie Doyen, demoiselle de magasin à Paris, âgée de 27 ans, aurait pu être sa fille.

DIVES-SUR-MER : Le couple s’installe à Dives-sur-Mer (Calvados) où naîtront leurs deux aînés en mars 1866 et avril 1868. Dans ce bourg de 850 habitants, un peu plus pendant la saison estivale, la clientèle était réduite. De l’activité de photographe d’Alfred Boulland en Normandie, on ne connaît que des vues et paysages. François Boisjoly en expose quelques-unes sur son site www.photo-carte.com.

SAONE-ET-LOIRE : : Après quelques années passées sur la Côte fleurie, le couple part en Saône-et-Loire département où était née Sidonie Doyen. Deux enfants naîtront à Tournus en 1868 et 1870 ; les trois suivants à Cluny en 1872, 1874 et 1880. En Bourgogne, l’activité commerciale de portraitiste d’Alfred Boulland sera secondaire. Son grand oeuvre, en 1872, est sa participation à "La Bourgogne monumentale & pittoresque - Album contenant des vues photographiées des principaux monuments de la Bourgogne avec les notices rédigées par Jean-Baptiste Paquier, professeur à l’Ecole normale spéciale de Cluny". Le livre est vendu par fascicule avec une livraison deux fois par mois. On peut s’abonner à Cluny chez M. Boulland, photographe. Dans l’exemplaire mis en ligne sur Gallica par la Bibliothèque nationale de France, on découvre 14 épreuves signées Boulland de l’abbaye de Cluny et de châteaux de la région. Au moins l’un des fascicules sera livré avec retard, Alfred Boulland s’en excusera auprès des abonnés en expliquant qu’il avait dû, pour le jour de l’An, satisfaire de nombreuses commandes de cartes photographiques (portraits "carte de visite"). Après la parution de "La Bourgogne monumentale et pittoresque", Boulland vivra encore une quinzaine d’années mais loin de Cluny. Il semble qu’il ait abandonné sa nombreuse famille. Lors du recensement de 1881, Sidonie Doyen, gouvernante, vit avec un relieur. Ensuite, elle sera couturière puis blanchisseuse pour nourrir ses enfants. Alfred Boulland finira ses jours en Suisse. Il est mort le 15 octobre 1887 à Vevey, canton de Vaud, (Suisse) où son fils Edouard Boulland (1864-1928) était photographe. Il poursuivra sa carrière à Bellegarde (Ain) où il est recensé en 1911 puis à Cluny (Saône-et-Loire) dans les années vingt.

Sources :

(1) Michel Lefrançois, dont une petite-fille est apparentée aux Boulland photographes, a fait de longues recherches sur eux dont il m’a communiqué la synthèse.

(2) Roland Patin, historien des photographes niçois. Voir son blog https://artplastoc.blogspot.com,

(3) "Le Courrier des Alpes" du 20 juillet 1843. Consultable en ligne sur Lectura Plus - Portail du patrimoine écrit et graphique en Auvergne-Rhône-Alpes.

(4) "Le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche" des 10 et 17 octobre 1843. Consultables en ligne sur Lectura Plus. Voir supra.

(5) "Le Toulonnais" du 14 avril 1844. Consultable en ligne sur le site des Archives départementales du Var. Historien de la photographie à Toulon, Michel André m’a transmis le résultat de ses recherches sur le passage de Boulland dans sa ville.

(6) "Le Toulonnais" du 14 mai 1844. Idem.

(7) "Le Mémorial d’Aix" des 13 et 16 juin 1844. Consultables en ligne sur le site de la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence.

 (8) "Le Courrier des Alpes" des 25 juillet et 3 octobre 1844. Consultables en ligne sur Lectura Plus. Voir supra.

(9) "Le Journal des Basses-Alpes" du 2 octobre 1845.

(10) "L’Alliance – Journal des provinces de l’Ouest" des 24 décembre 1850 et 19 août 1851. Consultables en ligne sur le site des Archives départementales de Loire-Atlantique.

(11) "L’Abeille de Lorient" du 12 mai 1850. Consultable en ligne sur le site des Archives départementales du Morbihan.