Gabriel BLAISE

(1827-1897)
Photographe d'atelier.
99 photographies

Tours Indre-et-Loire

Adresse de son atelier : 38, rue Royale : 1859 à 1866 ; 4-6, rue de la Préfecture : 1866 à 1888.

Né à  Paris, il est le fils de Jean-Jacques Blaise et de Gabrielle Méquignon qui tous les deux appartenaient au milieu des libraires-éditeurs de la capitale. Son père meurt en 1836 et sa mère en 1840. Orphelin, il est accueilli à  Tours où vivaient une soeur et un cousin de sa mère.

Un apprentissage dans l'imprimerie.

Gabriel Blaise est formé à  l'imprimerie en taille-douce par Jacques-François Berthiault (1804-1872). Ce dernier, avec un confrère, était l'auteur du « Nouveau manuel complet de l'imprimeur en taille-douce » publié à  Paris en 1840. Peu après, il s'installe à  Tours et travaille avec Mame jusqu'à  ce que l'atelier Berthiault devienne une entité de la grande imprimerie tourangelle. A l'exposition universelle de 1855, Berthiault, imprimeur en taille-douce (Maison Mame) obtient une médaille de 2e classe. « Son atelier occupe vingt personnes et un grand nombre de dessinateurs et de graveurs d'un grand mérite ». Blaise est donc à  bonne école pour apprendre une technique d'imprimerie qui est celle qui se rapproche le plus de la photographie. En 1859, à  l'âge de trente-deux ans, il saute le pas et s'installe comme photographe.

Les débuts dans la photographie : une décennie glorieuse

Le 5 mai 1859, il ouvre son atelier de photographie au 38 rue Royale, l'artère principale de Tours. « Le Journal d'Indre-et-Loire » vante « cet établissement, parfaitement situé au centre de la ville, qui possède un vaste salon vitré, au 1er étage, sur un jardin. Un matériel très considérable permet d'exécuter tous les genres de travaux pour la photographie sur papier et verre, tel que reproduction de tableaux, estampes gravées, objets d'art et spécialement les portraits carte de visite ainsi que les portraits en noir et en couleurs jusqu'aux plus grandes dimensions ».

Contrairement à  Bailly & Maurice, ses principaux concurrents, Blaise ne se limite pas à  la production en série de portraits, format carte de visite. Le commerçant est aussi un artiste. Il sort de son atelier pour photographier les principaux monuments de la Touraine et des départements voisins.

La décennie qui suit son installation rue Royale est particulièrement fructueuse. Il participe à  plusieurs expositions : Exposition régionale de Rennes (1859) ; Exposition nationale de Nantes (1861) ; Exposition universelle de Londres (1862) ; Exposition internationale de Porto (1866) ; Exposition industrielle et artistique de Poitiers (1869). Il y obtient pas moins de neuf médailles.

Pour ses vues et monuments, Blaise utilise le procédé au charbon inventé par Poitevin en 1860 (voir infra) Membre de la Société française de photographie, il vient à  Paris présenter à  ses collègues des épreuves positives obtenues par le procédé Poitevin modifié par Fargier, méthode à  laquelle il a lui-même apporté une modification.

A Tours, Blaise n'a pas vraiment de concurrent, c'est à  lui que l'archevêque demande en 1862 de faire son portrait vendu chez les libraires du département ; c'est lui que la Société archéologique de Touraine charge en 1870 de faire des épreuves de l'ancien cloître Saint-Martin ; c'est aussi lui qui signe une série de douze photographies de l'éclipse du 6 mars 1867.

En mai 1866, Blaise quitte la rue Royale et s'installe -pas très loin- au 6 rue de la Préfecture dans un immeuble qu'il a acquis en 1865 pour la somme de 38 000 francs.

« Le Journal d'Indre-et-Loire » décrit ainsi le nouvel établissement : « Nous avons visité les nouveaux ateliers de photographie que vient de faire construire M. Gabriel Blaise rue de la Préfecture n°6 à  Tours. Cet établissement, qui s'est constamment tenu au premier rang par ses travaux en tous genres, se fait remarquer par une installation qu'on ne pourra dépasser, et les grandes maisons parisiennes envieraient son atelier de pose, éclairé au nord et le plus vaste qui soit à  Tours. Les personnes âgées trouvent un second atelier dans un jardin où l'on a fait disposer un champ de pose pour les groupes de famille et les portraits équestres. »

La guerre de 1870 va donner une nouvelle occasion à  Gabriel Blaise de se placer « au premier rang » des photographes tourangeaux.

Un photographe au service de la Défense nationale.

En septembre 1870, le Gouvernement de la Défense nationale qui prévoit que la capitale va être assiégée par les Prussiens décide que trois ministres partiront à  Tours constituer un Conseil de gouvernement provisoire. Les communications entre les deux villes étant vite interrompues, il est décidé de mettre en place un service de messagerie par pigeons-voyageurs. Cela n'aurait pas été possible sans le savoir-faire et la détermination de deux Tourangeaux : Charles Jules de Laffolye, inspecteur des télégraphes et Gabriel Blaise.

La réduction photographique des dépêches par pigeon-voyageur est relatée dans l'annexe n°1 de ce répertoire.

Blaise aura une autre occasion, beaucoup moins connue, de concourir à  la défense de son pays : il va reproduire dans son atelier des cartes topographiques pour les officiers français. On ne gagne pas une guerre sans avoir une connaissance très précise du terrain sur lequel on va déployer ses troupes. En 1870, en pleine débâcle, l'armée française manque de tout et particulièrement de cartes d'état-major à  jour. Faute de mieux, un général en fut réduit à  utiliser une carte qu'il avait trouvée dans le guide Joanne, (l'équivalent de notre guide Michelin) acheté chez un libraire de Tours ! En face, les officiers prussiens et parfois les simples soldats ont en main des cartes de notre pays.

Pourquoi cette impéritie ? Les cartes d'état-major étaient reproduites grâce à  des plaques de cuivre dont certaines n'avaient pas été rectifiées depuis 1852. L'état-major des armées qui se battaient en province pensait que les cuivres étaient restés à  Paris assiégée par les Prussiens. Il n'en était rien. Après la guerre, on découvrit qu'ils avaient été transportés à  Brest. Pour pallier l'absence de ces précieux cuivres, Armand Asselain, percepteur à  Triel (Seine-et-Oise), se fit réintégrer dans l'armée avec le grade capitaine et proposa de reproduire par la photographie et l'autographie (procédé d'impression par copie sans carbone) les cartes au 1/80.000 de l'état-major. A Tours, Asselain s'adresse à  Gabriel Blaise. Après quelques essais, le photographe réussit à  réduire aux 2/3 une carte d'état-major. « Réunies 2 à  2, collées sur toile, elles formaient des cartes de détails très lisibles, en même temps que des cartes d'ensemble représentant une superficie de 320 lieues carrées, parfaites pour les chefs de corps ».

Au total, Blaise et son confrère de Bordeaux, Terpereau, ont fait des clichés pour 55 cartes, reproduites en moyenne à  25 exemplaires, soit 1375 cartes collées sur toile.

Pour la reproduction autographique des cartes, Asselain fit appel à  un ingénieur des chemins de fer qui mit à  sa disposition son matériel et ses dessinateurs. Avec ce procédé, 39 cartes au 1/80.000 furent reproduites à  350 exemplaires chacune, soit plus de 13 000 unités.

Le 19 janvier 1871, les Prussiens font leur entrée dans Tours. A contrecoeur, Gabriel Blaise va y gagner une nouvelle clientèle. Revêtus de leur plus bel uniforme, les officiers ennemis viennent parader dans son atelier.

Pour empêcher l'armée prussienne de franchir la Loire, beaucoup de ponts avaient été détruits, notamment ceux de la Compagnie de chemin de fer Paris-Orléans. Afin de conserver une trace des ponts brisés pendant la guerre, la Compagnie fit réaliser un album de 19 photographies des ouvrages d'art endommagés. C'est Gabriel Blaise qui fut chargé de cette commande. Stanislas Ratel (voir sa fiche) ingénieur de la compagnie, qui connaissait Blaise ne fut sans doute pas étranger à  ce choix. Cet album de photographies grand format (0,60 x 0,86) est une oeuvre maîtresse de Blaise.

Paul Rochas, un gendre un peu décevant.

Après la guerre, Blaise semble un peu en retrait. En mai 1873, il collabore à  l'Album de l'exposition rétrospective des beaux arts de Tours édité par Georges Joubert et imprimé chez Mame. L'album est illustré par 62 photographies photoglyptiques (voir infra). Le 29 juillet 1876, Blaise cède son fonds de commerce à  Paul Vieux-Rochas, dit Paul Rochas (voir sa fiche) qui était son opérateur depuis plusieurs années et deviendra son gendre l'année suivante. Le prix de vente est de 30 000 francs. Blaise s'engage dans l'étendue du département à  ne pas faire de portraits privés mais « se réserve le droit de photographier des vues, monuments et portraits d'édition » . Une clause qui ne gênait pas Paul Rochas, ce dernier ne pratiquant, à  notre connaissance, que le portrait privé.

Sa vraie passion étant la peinture, Paul Rochas ne sera pas un photographe aussi remarquable que son beau-père. On peut imaginer que la cohabitation entre les deux hommes, rue de la Préfecture, n'était pas très harmonieuse. En 1885, Rochas prend le large et s'installe à  Blois. Pendant trois ans Blaise opère à  nouveau dans son atelier. En avril 1888, il vend son fonds de commerce à  Ubald de Jongh.

Blaise quitte Tours. Il va vivre quelque temps à  Angers puis s'installe seul à  Bordeaux. Il meurt l'année de ses soixante-dix ans à  Soulac-sur-Mer où il se trouvait en villégiature.